Egalement connus sous le nom de laboratoires d’idées, les think tanks jouent un rôle crucial dans la formation des politiques et des débats publics à travers le monde. Ces institutions, souvent à but non lucratif, se concentrent sur la recherche et l’analyse dans des domaines aussi divers que la politique, l’économie, la santé, l’environnement et la sécurité. En influençant les décideurs et le grand public, les think tanks ont une capacité unique à façonner les discours et les politiques sur des questions d’importance nationale et internationale.
Définition, rôle
Dans le principe, un think tank est une entité de droit privé composée d’experts. Ces groupes, parfois financés par des entités gouvernementales, sont dédiés à la production d’études et de propositions, principalement dans les domaines des politiques publiques et de l’économie. Ils réunissent souvent des individus autour d’une figure politique ou d’un parti pour réfléchir sur des problèmes de politiques publiques de manière non professionnelle.
Le nombre de think tanks a connu une croissance importante depuis la fin des années 1960, avec un pic dans les années 1990. En 2021, environ 11 175 think tanks étaient répertoriés à travers le monde. Les États-Unis comptent le plus grand nombre de ces institutions, suivis de près par la Chine.
En réalité, leur rôle dépasse la simple réalisation d’études. Ils visent à adapter les idées existantes aux exigences du monde politique, créant un pont entre la recherche et la politique, tout en apportant une rigueur académique à l’analyse des enjeux contemporains. James McGann, directeur du Think Tanks and Civil Societies Program, souligne leur importance dans la formation des agendas politiques et la liaison entre savoir et pouvoir.
L’auteur et président du président du Council on Foreign Relations Richard N. Haass identifie cinq contributions majeures des think tanks à la politique publique : la génération d’idées originales, la fourniture de réservoirs d’experts pour les gouvernements, l’offre d’espaces de débat pour les décideurs, le rôle éducatif auprès des élites et du public et, enfin, le soutien aux efforts de résolution des conflits internationaux. Certains se concentrent exclusivement sur les décideurs, tandis que d’autres ciblent le grand public, influençant ainsi le discours public et politique.
Sont-ils vraiment influents ?
S’ils sont influents dans le débat politique, les think tanks sont souvent perçus comme des acteurs neutres du « marché des idées ». Cependant, un rapport récent de l’Observatoire des multinationales met en exergue leur rôle de véhicules de lobbying, favorisés par des liens étroits avec le monde des affaires et l’absence d’une réglementation stricte. Le rapport souligne que ces laboratoires d’idées bénéficient surtout à des acteurs financièrement puissants, notamment de grandes entreprises, y compris ceux traditionnellement alignés à gauche.
La réduction des crédits pour la recherche publique et la diminution du nombre de fonctionnaires ont indéniablement renforcé le rôle des think tanks. Devenus essentiels pour les administrations manquant de compétences internes, ces derniers se retrouvent pourtant au cœur de conflits d’intérêts, liés à leur financement et recrutement ainsi qu’à leurs relations avec les grandes entreprises et les politiciens.
Des espaces des rencontres élitistes opaques ?
Les entreprises utilisent les think tanks comme outils de lobbying subtils, influençant les décideurs à travers la structuration et le filtrage du débat public et médiatique. Cette influence, masquée derrière une façade d’objectivité intellectuelle, détermine les sujets abordés, les données utilisées, les questions posées et les options envisagées.
Les think tanks agissent également comme des espaces de rencontre exclusifs entre les élites publiques et privées, offrant aux dirigeants d’entreprise un accès privilégié aux décideurs. Malgré leur influence significative, ces institutions ne sont pas soumises aux mêmes règles de transparence et de déontologie que d’autres acteurs du lobbying. La plupart ne sont pas inscrites dans les registres de transparence du lobbying français et européen. Il manque également une transparence obligatoire concernant leurs liens financiers avec les entreprises et les conflits d’intérêts de leurs experts.
Enfin, une part importante du travail d’influence des think tanks est indirectement financée par les contribuables, soit via des subventions publiques, soit par le crédit d’impôt mécénat, qui permet aux entreprises de récupérer une partie de leurs dons. Cette situation pose des questions éthiques importantes sur le rôle et la régulation de ces laboratoires d’influence dans la sphère politique.